Lames de Joie : redonner élan et liberté de mouvement aux amputés
L’association Lames de Joie poursuit une mission essentielle : offrir aux enfants et adultes amputés d’un ou de leurs deux membres inférieurs la possibilité de pratiquer un sport grâce à des lames de course en carbone. Un équipement de haute technologie, dont le prix varie entre 2 500 et plus de
10 000 euros par membre, et qui n’est pas remboursé par la Sécurité sociale. Un frein considérable pour beaucoup.
Pourtant, Lames de Joie rend ces lames accessibles à tous, en les prêtant gratuitement, sans condition de ressources, ni demande de caution. La seule exigence : s’engager à pratiquer régulièrement une activité physique.
Un soutien qui change des trajectoires de vie. Le mathéron David Girodet, pilote d’hélicoptère amputé d’une jambe après un accident, en est une illustration marquante. Grâce à une lame fournie par l’association, il a pu reprendre la course à pied, « comme avant ».
Un accident qui bouleverse tout
À 54 ans, David Girodet affiche une carrière bien remplie. Après six années dans l’aviation légère de l’armée de terre, il consacre 22 ans à la Gendarmerie nationale, occupant plusieurs postes de commandement jusqu’à diriger le centre de formation des équipages hélicoptères. Le 1er août 2020, il amorce une nouvelle étape en rejoignant le secteur privé, intégrant le SAF, une société spécialisée dans les missions de secours héliporté pour le SAMU. Mais en décembre de la même année, un drame survient : « j’ai eu un accident lors d’un entraînement à une mission de treuillage en montagne. J’ai été le seul rescapé ».
Une décision difficile : l’amputation
Gravement blessé, il est transporté en urgence absolue vers l’hôpital de Grenoble. Son dos est stabilisé, mais une blessure à son pied droit s’aggrave. « Je n’ai pas perdu ma jambe lors de l’accident lui-même, mais le pied a été tellement abîmé qu’il n’a pas été irrigué. Les médecins m’ont orienté vers un spécialiste de l’amputation. En fait, j’avais la capacité de garder mon pied… mais avec une cheville quasiment soudée avec un pied coupé à la moitié, donc une incapacité. En résumé, il n’y aurait pas eu moyen d’appareiller correctement. J’ai toujours fait beaucoup de sport, énormément de ski, de courses à pied, pas mal de vélo aussi… j’ai donc pris la décision avec mon épouse de me faire amputer. »
La recherche d’une prothèse adaptée
Dans un premier temps, David Girodet reçoit une prothèse médicale classique permettant la reprise de la marche, remboursée par la Sécurité sociale. Elle lui permet de marcher au quotidien, mais reste inadaptée pour le sport. Il teste ensuite un pied multisport, plus adapté et dynamique, qui lui permet de trottiner. Enfin, il découvre les lames de course, des prothèses conçues pour la performance et la reprise de la course à pied.
« A l’automne, j’ai commencé à faire des progrès, je commençais à recourir un petit peu mieux. J’ai donc décidé de me procurer une lame de course d’occasion. J’ai eu la chance de tomber sur une lame qui me correspondait, j’ai payé 1 600 euros alors qu’une lame neuve coûte environ 4 000 euros. »
Puis, il découvre presque par hasard sur les réseaux sociaux la start-up albigeoise Hopper qui revalorise des chutes industrielles en fibre de carbone habituellement utilisées par Airbus pour en faire des lames de course. « Je les ai connus en m’intéressant de plus près aux innovations dans le domaine des prothèses sportives. J’ai appelé leur président. A Mérignac, près de Bordeaux, ils avaient besoin de personnes pour promouvoir un peu leur lame. Je courais déjà trois à quatre fois par semaine avec une lame d’occasion. C’est quelques temps après qu’ils m’ont mis en relation avec Jean-Marc Lamblin, le co-fondateur de Lames de Joie. Pour l’association, se fournir chez Hopper, c’est opter pour des produits 100 % made in France à des prix avantageux, compte tenu des processus de production, sans renoncer à la qualité des matériaux ni à la technique. »
L’implication de Lames de Joie
L’échange avec Jean-Marc Lamblin, co-fondateur des Lames de Joie et directeur du mécénat, a été déterminante pour David Girodet. « Nous nous sommes découverts des points communs, notamment notre expérience en secours en montagne et en mer, ce qui a créé un lien naturel. Il m’a demandé de lui envoyer un courrier pour expliquer mon parcours et ma pratique sportive ». Bien que basée dans les Hauts-de-France, l’association prête des lames de course à des personnes amputées dans toute la France. Jean-Marc Lamblin précise : « nous ne posons qu’une seule condition : la signature d’un contrat d’engagement comprenant une lettre de motivation et la preuve que la lame sera utilisée régulièrement pour une pratique sportive. Ensuite, elle est envoyée sans caution ni condition de ressources. »
En février ou mars 2024, l’ancien gendarme reçoit une lame de course mise à disposition par Lames de Joie. « Depuis, je ne cours qu’avec cette lame, et la différence est palpable. Elle est très esthétique, mais ce n’est pas cela qui fait la différence. Ce qui me séduit avant tout, c’est le confort et la progressivité. Les autres lames sont plus rigides et demandent un effort considérable au corps pour un bon retour d’énergie. Celle-ci est beaucoup moins exigeante, ce qui permet aussi de moins se blesser. »
Un nouveau regard sur le handicap
Porter une lame visible, c’est aussi un sujet de discussion, notamment avec les enfants. « Cela brise un peu la glace et les tabous sur le handicap. Cela montre qu’être amputé ne signifie pas qu’on arrête de vivre. ». Pour David Girodet, Lames de Joie lui a permis de retrouver un bien-être et une certaine fierté : « aujourd’hui, je peux à nouveau courir seul ou avec mon épouse, j’ai retrouvé le niveau que j’avais avant l’accident. »
Un message d’espoir pour ceux qui traversent des épreuves similaires
Aujourd’hui installé aux Mathes non loin de Royan, David Girodet a déménagé fin 2023 pour se rapprocher de la mer et poursuit son activité dans la même entreprise qu’avant son accident. Il a retrouvé un équilibre grâce au soutien de ses proches et à la possibilité de pratiquer à nouveau des activités sportives. Pilote hélicoptère, instructeur et examinateur, il a réussi à repasser toutes les visites médicales nécessaires pour reprendre les vols. « Après un an de démarches, j’ai obtenu les autorisations pour continuer à voler. C’était important pour moi de retrouver cette activité que j’aime profondément. »
David Girodet a un message fort pour ceux qui traversent des épreuves similaires : « quand on vit un événement tragique, on pense que tout est fini. Mais nous avons la chance d’être en France, il y a des solutions pour se faire appareiller et reprendre une vie normale. Il est important de ne pas baisser les bras et de se faire accompagner. Lames de Joie vous offre cette opportunité. »